Activité machinisme Un moteur de croissance
Si la distribution du matériel agricole est du ressort surtout de concessionnaires privés, quelques rares organismes d'appro-collecte s'y sont engagés de façon historique. L'évolution des pratiques culturales va-t-elle amener à s'intéresser de plus près à cette activité à l'image de Noriap, partie dans l'aventure récemment ?
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Agréom, Cadauma, Casa AgriPro, Somat... Voilà les noms de filiales de coopératives dédiées au machinisme agricole, respectivement : Terrena, Unicor, Unéal et Noriap. D'autres ont gardé l'activité intégrée dans leur organisation en ayant parfois en sus des filiales privées, comme la branche machinisme d'EMC2. Tout au plus une dizaine de coops en appro-collecte ont à ce jour une telle activité bien souvent historique, dont quatre classées dans les 50 premières concessions par le Guide des concess de Machinisme & Réseaux : Agréom, 9e avec 69 M€, Cal, 12e avec 63 M€, EMC2, 25e avec 52 M€ et Terre Comtoise, 47e avec 37 M€. L'activité a démarré en 1932 chez EMC2, en 1948 chez Unicor, avec les premiers tracteurs du plan Marshall. A Terre Comtoise, elle est plus récente, fin des années quatre-vingt-dix. Et chez Noriap, elle vient d'être lancée. Les coopératives de l'Est étaient très actives dans ce domaine. Aujourd'hui, la Cal et EMC2 continuent l'aventure. Le Comptoir agricole l'a cessée il y a une quinzaine d'années et Lorca a réduit la voilure en restant associée dans C3M, avec désormais EMC2.Quant aux négoces, ils sont très rares à s'y être investis. Les Ets Chays (Doubs) se concentrent surtout sur tracteurs et fenaison. D'autres se sont lancés dans les pièces détachées comme Phyto Service, dans le Centre, qui réalise 10 % de son chiffre d'affaires avec une activité qui participe à attirer un flux de clientèle.
Des coops allemandes en France
L'essentiel du matériel agricole, en France, est donc distribué par des concessionnaires privés, contrairement à nos voisins allemands où les cinq grosses coopératives du pays ont la main mise dessus. L'une d'entre elles a même mis un pied en France avec la reprise d'un concessionnaire outre-Rhin et un projet de reprise dans le Sud (lire p. 30-31). La Suisse s'inscrit aussi dans ce mouvement puisqu'un concessionnaire Claas, Dousset-Matelin (Vienne), a été repris par la coopérative suisse Fenaco, elle-même revendeuse Claas via sa filiale Serco. « C'est le plus vieux concessionnaire de France avec une centaine d'années d'activité », précise Jean-Louis Noël, directeur marketing de Claas France. Des mouvements à suivre car d'autres pourraient s'enclencher dans un contexte où nombre de concessions privées françaises sont en mal de successeurs.
Accompagner le progrès
Cette dynamique autour du machinisme agricole peut se comprendre par l'évolution des pratiques culturales et des nouveaux enjeux auxquels ont à faire face les agriculteurs et ceux qui les accompagnent. Ainsi, selon notre baromètre ADquation-Agrodistribution, plus d'un tiers envisage une plus forte mécanisation de leurs pratiques culturales et d'investir en agriculture de précision (voir ci-dessus). « L'enjeu est double à notre niveau : participer à la diffusion du progrès technique et consolider notre logique de service et de proximité avec les bases et les ateliers », commente Sylvain Claveria, directeur adjoint d'Unicor, dans l'Aveyron. Un enjeu encore plus marqué dans des structures déjà fortement impliquées dans l'agriculture de précision et connectée, à l'image de Terrena qui en fait un des fers de lance de sa stratégie d'entreprise articulée autour de « La Nouvelle Agriculture » (lire p. 29). « Les coopératives ont tout intérêt à s'intéresser au machinisme. Que ce soit pour renforcer leur implication dans le service aux adhérents ou pour les accompagner dans le développement des nouvelles technologies, estime Sylvain Claveria. Elles sont le dernier rempart sur un territoire pour maintenir le service aux agriculteurs. Cependant, deux points essentiels sont à souligner : cette activité demande un BFR important (pour le stock) et le constructeur a son mot à dire dans la gestion d'une concession, la formation du personnel, la mise en avant de sa marque. » Comme dans toute concession, des objectifs commerciaux sont à atteindre, d'où l'intérêt de filialiser l'activité (ou d'avoir une filiale privée) pour élargir la clientèle potentielle. Echapper au statut de concession pour vendre du matériel agricole, semble difficile. Des aspects qui peuvent freiner certaines velléités, au même titre que c'est un métier spécifique et qui n'a pas toujours été rentable dans le passé. En outre, il peut accuser le coup, quand la conjoncture est difficile comme dernièrement. Toutefois, les entreprises qui y sont engagées aujourd'hui jugent cette activité aussi rentable, en règle générale, que les autres métiers de l'amont. Ou, en tout cas, affichent clairement leur volonté d'en faire une source de valeur ajoutée, d'autant plus dans un contexte où la vente d'intrants pourrait reculer, en lien avec une agriculture de précision censée justement générer des économies d'intrants, sans parler des objectifs d'Ecophyto. De plus, comme le fait remarquer Sébastien Jonville, directeur machinisme à EMC2, « nous n'avons pas de souplesse sur nos charges sociales, car nous avons besoin d'un personnel expert, donc pas de saisonniers. Il s'agit alors de veiller au taux d'occupation des salariés ». D'où des réorganisations mises en oeuvre comme à la Cal (lire p. 28) qui développe un réseau de camions ateliers devenu indispensable dans ce métier, l'essentiel des dépannages se faisant sur l'exploitation.
Un épiphénomène ?
Si la question de la pertinence de se lancer dans une activité machinisme peut se poser, quelle voie emprunter ? Partir de zéro ou reprendre une concession ? Noriap a envisagé les deux possibilités et a opté pour la seconde (lire p. 27). Sa démarche est-elle alors un épiphénomène ou précurseur d'un nouvel élan qui ferait des émules ?
Toutefois, l'agriculteur est-il prêt à confier ses besoins en machinisme à sa coopérative ou son négoce ? Selon notre enquête ADquation, seul un quart des agriculteurs s'engageraient auprès de leur distributeur. Et 45 % s'y opposent totalement. C'est sûrement une façon de préserver un espace d'indépendance vis-à-vis de leur fournisseur principal. De plus, l'attachement à la marque est très fort en machinisme. Et comme une concession propose bien souvent une seule marque par type d'automoteur, le choix peut se trouver limité. Les jeunes seraient toutefois un peu moins attachés à la marque.
Plusieurs voies possibles
C'est pourquoi des entreprises font le choix de ne pas s'engager dans une telle activité, ou de ne plus s'y engager à l'image du Comptoir Agricole (Bas-Rhin) qui a cédé sa filiale à un privé, il y a quinze ans, pour des raisons de rentabilité et de priorité d'investissements (silos et séchoirs). Le responsable du service agronomique, Christian Lux, précise qu'ils ont préféré avoir « des compétences en interne pour accompagner l'agriculteur dans ses choix de matériel et les combinaisons possibles, tout en le laissant libre dans ses achats et la marque affectionnée. Et nous pouvons proposer nos compétences aux concessionnaires ». C'est un raisonnement partagé par la Scael (Eure-et-Loir) qui, depuis quelques mois, travaille en partenariat avec six concessionnaires de son territoire. « Nous créons ces liens pour accompagner les adhérents vers de nouvelles pratiques agricoles. Nous laissons ouvert à différentes marques tout en apportant notre expertise interne à travers une équipe dédiée aux services et une synergie avec les concessions », décrit Florent Babin, chef produit services et marketing à la Scael (lire AD n° 280, p. 23). Les réunions techniques organisées avec les concessionnaires sont d'ailleurs très appréciées des adhérents. La mise en commun de compétences est une démarche de bon sens qui s'amplifie et ce, dans divers domaines. Ainsi, Dijon céréales et le constructeur Horsch, pour lesquels un tel partenariat est une première, accompagnent le GIEE Agro Eco Précis fondé il y a dix-huit mois par des agriculteurs de Haute-Marne autour de l'agriculture de précision et du désherbage. Le domaine du machinisme devient aujourd'hui un enjeu stratégique de fidélisation en participant à un accompagnement de plus en plus pointu et efficient. Reste à savoir quelle voie prendre. Et quelles complémentarités jouer, telle l'option prise par Agrial, qui a par ailleurs sa propre activité machinisme, de promouvoir auprès de ses adhérents, les solutions portées par WeFarmUp (site de location de matériels) pour améliorer leur revenu.
DOSSIER COORDONNÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL
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